Transcriptions

 

Critiques : 1 - 2 - 3 - 4 - 5

“La transcription, en tant qu’art, a acquis son autonomie. Bach, Beethoven, Liszt, Brahms sont évidemment de ceux qui pensent que la transcription est douée d’une puissance propre: ils l’ont prouvé en s’y consacrant par amour ou par amusement. Et s’il faut chercher une cause au peu d’estime dans laquelle on tient ce genre, c’est dans l’espoir qu’ont entretenu certains musiciens de cacher leur pauvreté sous un voile de sérieux : ce sont eux qui l’ont dévalué.”

Ferruccio Busoni
(lettre à sa femme, 22/07/1913)


Pourquoi une transcription ?

La transcription relève d’une pratique aussi courante parmi les musiciens que controversée parmi les musicologues et autres puristes autoritaires pour qui cet exercice relève le plus souvent d’une infidélité au texte original, qualifiée au pire de scandaleuse, au mieux d’inutile: toutefois, en se faisant ainsi les défenseurs incongrus des compositeurs et de leur intégrité, ces tenants de l’authenticité ignorent toute une tradition qui place la transcription au centre même de la vie musicale.

En effet, qu’elle soit conçue dans une intention didactique, pragmatique, exploratoire, voire même ludique (“par amusement” ainsi que l’écrit Busoni), la transcription constitue une part considérable du travail d’écriture des musiciens.

Didactique?, on sait que Mozart consacra un temps non négligeable à recopier les partitions de Jean-Sébastien Bach conservée à la bibliothèque de l’école Saint-Thomas de Leipzig ... pour sa propre érudition, et il fut un des premiers à transcrire pour cordes certaines des fugues du Kantor afin de s’imprégner de son style rigoureux - belle leçon d’humilité ; pragmatique?, les grandes maisons d’édition, notamment au 19e siècle, firent leur fortune sur la vente de réductions pour piano des chefs-d’oeuvre orchestraux et lyriques des maîtres classiques et romantiques, sans parler des multiples transcriptions pour des nomenclatures extrêmement variées qui ont permi à des générations de malomanes de découvrir le fabuleux trésor de notre répertoire musical en un temps où radio, disque et autres procédés de reproduction sonore n’existait pas ; exploratoire?, nul n’ignore les superbes orchestrations d’oeuvres baroques, (de Bach notamment), réalisées par Webern (en “Klangfarben”), Schönberg et Stravinsky en quête de ré-écriture néo-classique, les nombreuses transcriptions pour orchestre à cordes des quatuors de Schubert, Brahms, Chostakovitch, non plus que le merveilleux travail de Ravel sur les partitions pour piano de Debussy et Moussorgsky, sans oublier certaines transcriptions audacieuses telles que la version pour quatre pianos du “Sacre du Printemps” réalisée par le Quatuor d’Amsterdam ; ludique enfin?, on ne compte plus les détournements humoristiques des “grands maîtres” tels que Richard Strauss (“Till l’Espiègle”, Grotesque Musicale de Franz Hasenöhrl pour 5 instruments), Wagner (“Le Hollandais Volant”, parodie de Hindemith pour quatuor à cordes), ou Mozart (“Mozart new look” Fantaisie de Jean Françaix pour contrebasse et instruments à vent sur la sérénade de “Don Giovanni”), sans compter avec les transcriptions “cartoonesques” d’un Spike Jones revisitant à la façon d’un joyeux iconoclaste quelques grands classiques, (Tschaïkovsky, Bizet, Liszt, Offenbach, Johann Strauss), ou bien encore les adaptations humoristiques présentées dans les années 50 au légendaire et très britannique Festival Hoffnung.

Les exemples sont innombrables et, pour peu qu’on s’y intéresse, comme l'ont fait les plus grands représentants de notre Histoire de la musique, la transcription nous apparaît donc clairement comme un précieux instrument d’apprentissage du langage musical, de diffusion du patrimoine (du moins dans un contexte de pratique active de la musique et non d’écoute passive), de re-création et d’amplification de l’écoute, et enfin de divertissement éclairé.

Baudime JAM © 1998


Photo : André Hébrard

Liste des transcriptions

Jean-Sébastien BACH
“Le Clavier Bien Tempéré” *

(sélection de préludes et fugues)
Notes

“L’Art de la Fugue” **

Jean-Philippe RAMEAU
“Dardanus” *

(suite instrumentale)

Wolfgang Amadeus MOZART
Quintette K406 *** (Sérénade K388 pour octuor à vent)
Ouverture de “La Flûte Enchantée” *
Concerto n°13 K415 ***
Symphonie K425 "Linz" *
“Don Giovanni” ****

Ludwig van BEETHOVEN
Quintette Opus 4 *** (Octuor à vent Opus posth. 103)
Symphonie n°3 “Héroïque” *
Symphonie n°4 *
Ouverture “Coriolan” *

Notes

George ONSLOW
Quintette Opus 78
(
La Romance est une transcription, par Onslow lui-même, d'une de ses Six pièces pour piano (sans Opus)

"Le Duc de Guise" Opus 60 ***
Notes

Frédéric CHOPIN
Concerto pour piano n°1 Opus 11 en quintuor *
Concerto pour piano n°2 Opus 21 en quintuor *
Notes

Robert SCHUMANN
Symphonie n°3 “Rhénane” *

Modest MOUSSORGSKY
“Les Tableaux d’une Exposition” *

Johann STRAUSS
Ouverture “La Chauve-Souris” *
Notes

Johannes BRAHMS
Symphonie n°2 *

Piotr TCHAÏKOVSKY
Ouverture “Casse-Noisette” *


* Transcription : Baudime Jam
** Transcription : Richard Klemm et Carl Weymar
*** Transcription du compositeur

**** anonyme du 19e siècle