Ludwig van Beethoven et la transcription
Les symphonies
de Beethoven ont été maintes fois transcrites au cours du 19e
siècle, essentiellement pour des raisons de diffusion: à une époque
où être mélomane impliquait également dêtre
musicien, (ce qui nest plus le cas aujourdhui), on a vu fleurir
un grand nombre de versions allant de la célèbre transcription
intégrale pour piano réalisée par Franz Liszt à
la version classique pour violon et piano de Hans Sitt, en passant par diverses
combinaisons plus ou moins pittoresques au nombre desquelles on peut citer la
transcription pour violon, piano et harmonium (!) de W. Lenz publiée
chez les très respectables Breitkopf & Härtel.
La présente transcription pour quatuor à cordes adopte une signification toute particulière en ce début de 21e siècle où, en raison de la modernisation considérable des procédés de reproduction sonore et de la raréfaction du public mélomane, la musique vivante, et notamment les concerts symphoniques à grand budget, désertent de plus en plus nos salles de concert: en effet, et en dépit des apparences, lactivité musicale, en particulier en province, na cessé de décroître depuis un siècle. Il est aisé de constater que le répertoire symphonique est quasiment absent de la plupart des saisons musicales provonciales, et ne figure à laffiche des concerts que lors de rares productions réalisées par les ensembles amateurs locaux qui unissent avec enthousiasme leurs modestes moyens pour permettre au public dentendre, une fois lan, une symphonie de Beethoven, de Schumann ou de Brahms... Face à cette situation paradoxale qui voit cohabiter labondance discographique, (trompeuse et inhibitrice), et le déclin avéré de la véritable vie musicale, il faut en revenir aux pratiques du siècle précédent, mais pour de nouvelles raisons. Il est en effet particulièrement économique dinterprêter à quatre une symphonie prévue pour 60 ou 80 musiciens, et qui, précisément, na presque aucune chance dêtre montée dans nos campagnes, faute dorchestre symphonique professionnel résidant sur place.
Au sein du paysage musical actuel, et tout en conservant certaines prérogatives anciennes, (pédagogie, expérimentation), de telles transcriptions ne se justifient donc plus seulement par un besoin mais aussi par une contrainte: la pauvreté des concerts - indigence, non pas musicale, peu sen faut, mais économique.
Au demeurant, et par delà les motifs conjoncturels dune telle entreprise, il reste intéressant de redécouvrir les superbes Troisième et Quatrième Symphonies de Beethoven dans des versions pour quatuor à cordes qui respectent totalement le texte original tout en se présentant comme de véritables partitions de musique de chambre.
Ainsi, la nudité du quatuor confère-t-il à la Marche Funêbre de lHéroïque une austérité plus émouvante encore, tandis que les seules cordes transforment le Scherzo en une véritable danse magique, digne de Mendelssohn; quant au Finale, il gagne en clarté ce quil perd en puissance, spécialement dans ses élégantes variations, ainsi que dans le grand fugato central.
Le second mouvement de la Quatrième Symphonie atteint un degré excéptionnel de sérénité grâce à lémouvante intimité du quatuor, alors que les nombreux contrastes dynamiques et expressifs du Scherzo sont mis en relief dune façon étonnament précise. Quant au Finale, il nous apparaît sous un jour inhabituellement aéré, spécialement dans les nombreux traits de virtuosité confiés au premier violon.
Enfin, il nest pas inutile de préciser que lexécution de ces transcriptions est particulièrement impressionnante: la concentration de lécriture à quatre voix restitue dans une grande pureté la pensée symphonique de Beethoven.
Baudime JAM © 1998