Daniel Meier nous a quitté le 25 juillet 2004 : il s'est endormi paisiblement dans sa propriété du Béarn où il avait ses racines. Ce fut une nouvelle bien cruelle et trop soudaine pour Florence, son épouse, sa famille et ses amis : certes, Daniel avait subi récemment une lourde intervention chirurgicale, mais, quoiqu'affaibli, il en était ressorti avec une énergie nouvelle et une volonté positive de faire front. Nous l'avons tous vu aux Musiques démesurées participer activement à ce festival dont l'édition 2004 fut organisée pour fêter son 70e anniversaire : en dépit de sa fatigue et de ses soucis de santé, il était parmi nous, toujours prêts à nous encourager, toujours curieux de découvrir, toujours disponible pour partager, heureux de voir et de revoir d'anciens amis - notamment Henri Dutilleux, son maître, qui avait fait le déplacement pour venir assister à la création de son Stabat Mater.
Cette œuvre impressionnante par sa densité expressive et son recueillement était la troisième que Daniel avait dédiée au quatuor Prima Vista après son Quatuor n°2 (2000) et "Spectre pour un arc-en-ciel" (2001) : ce nouveau projet, auquel Daniel se consacra avec la passion qui était la sienne pour tout ce qui touchait au sacré, nous permit encore une fois de le côtoyer à l'occasion d'une série de répétitions qui eurent lieu début juin dans sa maison de Saint-Bonnet-près-Riom en compagnie de Florence à qui était confiée la partie vocale. Oubliant ses soucis personnels, il suivit notre travail de cette façon si constructive que connaissent bien les musiciens qui ont créé ses œuvres : tout en ayant une idée précise de ce qu'il souhaitait obtenir, et usant toujours de beaucoup de courtoisie dans ses remarques, Daniel était également à l'écoute de ses interprètes, qu'il traitait avec un immense respect, et se montrait toujours disposé à s'intéresser à leurs problèmes techniques.
Qu'il me soit permis ici de rappeler qu'il fut un des animateurs, infatigable et enthousiaste, de la vie musicale de notre région : son amour de la musique ancienne était bien connu et c'était une joie de le voir au clavier de son orgue au sein de l'Ensemble Da Camera ; mais c'est surtout son implication fidèle et militante au service de la musique contemporaine qui le rappelle à nos mémoires. Compositeur prolifique, il laisse une œuvre foisonnante qui se signale par son indépendance esthétique et son attachement à une foi profonde. Par ailleurs, homme de terrain parfaitement conscient des enjeux de la diffusion de ce répertoire parfois difficile, Daniel n'a jamais hésité à confier ses partitions à des artistes auvergnats professionnels ou amateurs, lui qui avait eu les honneurs de certains grands orchestres à Paris et à l'étranger. C'est que Daniel, en fin pédagogue et observateur avisé, choisissait ses interprètes loin des querelles de chapelles qui divisent si souvent le paysage musical. À ce titre, il fut respecté et aimé de tous ici et ailleurs : son mélange de rigueur intellectuelle, d'intégrité morale et de générosité en fit un artiste et un homme dont la compagnie nous manquera beaucoup.
Mieux que cette modeste page, [qui fut mise en ligne au mois de mai 2004 pour accompagner la célébration du 70e anniversaire de Daniel Meier - NDLR], nous lui dédions tous les concerts futurs où il nous sera donné, comme par le passé, de partager sa musique.
Baudime Jam
(juillet
2004)
3.
Daniel Meier & le Quatuor Prima Vista
4.
Un entretien avec Daniel Meier
Né à Pau en 1934, Daniel Meier, après son baccalauréat en philosophie, entre à l’École Normale de Musique de Paris où il étudie l’orgue avec Suzanne Chaisemartin, l’harmonie, le contrepoint et la fugue avec Madame Arthur Honegger, et la composition avec Henri Dutilleux et Maurice Ohana. Il obtient les licences de contrepoint et de fugue ainsi que le premier prix en composition.
Nommé en 1968 à la Maison de la Culture de Bourges comme Directeur des activités musicales, il prend l’initiative d’une programmation qui fait appel aux plus grands artistes de cette époque tout en faisant une part importante à la musique contemporaine.
Parrallèlement, il
est un des premiers à développer un service d’animation
musicale dans les milieux scolaires et ruraux.
Particulièrement attaché à la musique vocale, il dirige
de nombreux oratorios et crée un groupe de musique de chambre vocale
d’une quinzaine de musiciens devenu l’Ensemble vocal "Da Camera”,
qui, subventionné par le ministère, poursuit une activité importante
en France et à l’étranger dans un répertoire allant
du Moyen-Âge à nos jours. Il compte à son actif trois disques
chez Arion, consacrés à la musique ancienne européenne,
dont deux inédits. Le deuxième de ces disques se verra couronné en
1982 par le Grand Prix International de l’Académie du disque lyrique.
En 1975, Daniel Meier quitte Bourges pour se consacrer plus intensément à la composition et se trouve invité à prendre en main une classe d’harmonie, contrepoint, fugue, composition et analyse au C.N.R. de Clermont-Ferrand. Il fonde en Auvergne une association de diffusion de la musique d’aujourd’hui par le truchement de laquelle il promeut au niveau de la création un travail de décentralisation qui attire dans cette région, à côté de jeunes compositeurs, des noms notoires de la création musicale d’aujourd’hui.
Daniel
Meier a reçu
plusieurs commandes du Ministère des Affaires Culturelles, de Radio-France,
et de différents festivals.
Plusieurs de ses oeuvres ont été créées par ailleurs
dans différents festivals : Avignon, Ville-d’Avray, St-Germain-en-Laye,
Festival estival de Paris, Bordeaux, Orléans, Vienne, (Autriche), Peterborow
(Angleterre), Ludwigsburg (Allemagne), etc. Ses principales oeuvres le font
apparaître comme un musicien indépendant, adversaire de l’académisme
sous toutes ses formes.
... avec Maurice Ohana en 1983.
> Mosaïque (1966),
pour mezzo-soprane et ensemble instrumental
> Images (1969), pour orchestre
> Cygnes (1969), pour flûte et piano
> Apocalypsis (1971), pour soprane, cythare, quintette à cordes,
chœur et orchestre
> Ode (1971),
pour orchestre à cordes
>
Semen (1972), pour orchestre symphonique
> Epi (1973), pour quatuor de saxophones
> Kuklos (1973), pour quatuor d'anches
> Suite pour orgue (1973)
> Pâques à New-York (1974), quatuor pour comédien,
ondes Martenot, piano et percussion
> Gloria (1975), pour alto solo, 11 voix mixtes, flûte et clavecin.
> Et l'Espace dit (1976), pour cor solo
> Pour un temps sacré (1976), pour piano
> Mélisme (1977), pour hautbois
> Pour un rituel n°1 (1978), pour quintette de cuivres
> Vitrail I (1979), pour orchestre d'harmonie
> Messe "Doce nos orare" (1980)
> De cap à... (1981), pour 2 guitares
> "Et les Cordes corüt saisir" (1981), pour carillon
> Au-delà des falaises (1981)
> Vitrail II (1981), pour orchestre d'harmonie
> Quatuor à cordes n°1 (1981)
> Organum arborescent (1982), pour flûte, clarinette, violon,
violoncelle et piano
> Regards perdus ensemble dans un miroir (1982), pour violon et piano
> Écume (1983), pour harpe celtique et hautbois
> Prémices de timbres (1983), pour basson, contrebasse et
percussion
> Tenebrae factae sunt (1984), pour coloratur et 2 percussions
> Cosmos des solitudes heureuses (1985)
> Géminide (1985), pour guitare classique, guitare électrique,
matériel électro-accoustique
> Ils sont appuyés contre le ciel (1985), pour 15 voix mixtes
> Émergence (1985), pour basson et piano
> Laudo sio (1985), pour chant et piano
> Pour un rituel n°2 (1985), pour quintette de cuivres, percussion
et orgue
> Laudato si (1986), pour choeur d'enfants, orchestre à cordes,
piano, percussions et orgue
> Désert (1986), pour flûte à bec et guitare
> Crypte (1986), pour contrebasse
> Cérémonial pour Aton (1986), pour flûte
octobasse
> Never more (1987), pour saxophone et piano
> Rondeaux (1987), pour choeur à voix mixtes
> Fresques pour Giotto (1988)
> Me voici, je souffre et j'aime (1988), pour soprane, viole de gambe
et orgue
> Miniatures (1988), pour chœur à voix mixtes
> Guion'-Shôja (1989), pour soprane et piano
> Pneuma (1989), pour flûte traversière
> Airain (1990), pour saxophone alto
> Sinfonietta vocale (1990), pour chœur mixte
> Chanson de geste (1990), pour viole d'amour et contrebasse
> Psaume 23 (1990), pour soprane, ténor et orgue
> Mine de joyaux (1991), pour percussion et piano
> Le petit prince et la rose (1991)
> Canzone (1992), pour orgue
> Rivage multiple (1992), pour alto et quatuor de violes de gambe
> Incantation (1993), pour soprane et archiluth
> Auseths (1993), pour 2 pianos
> L'enfant de la haute mer (1994), pour piano et récitant
> Le tombeau de Vittoria (1995), pour chœur d'hommes
> Trois poèmes de Mallarmé (1996), pour soprane, flûte
et harpe
> Magnificat (1997), pour 6 voix de femmes a capella
> Le Temps effleuré (1999), pour violon, alto, violoncelle
et piano
> Quatuor à cordes n°2 sur B.A.C.H. (2000) *
> Espace irisé (2000), pour clarinette en la et clarinette
basse
> Sequentia Pascalis (2001), pour 5 voix de femmes
> Spectre pour un
arc-en-ciel (2001), pour quatuor à cordes *
> Pantomime (2002), pour 2 soprani, flûte, hautbois, clarinettes,
trompettes, cors, trombones, contrebasse, 2 pianos et percussion
> Stabat Mater (2003), pour soprane et quatuor à cordes *
* Dédié au Quatuor Prima Vista
Dédicace du Stabat Mater
- Daniel Meier & le Quatuor Prima Vista
> C'est en 2000 que les chemins du quatuor Prima Vista et de Daniel Meier se sont croisés : de cette rencontre est né le Quatuor n°2 "sur B.A.C.H.". La création eut lieu le 21 mars à l'occasion d'un concert en hommage à Jean-Sébastien Bach dont on célèbrait alors le 250e anniversaire de la mort. Bâti autour du célèbre motif qui constitue le cryptogramme musical du nom du Cantor de Leipzig, ce programme s'ouvrait sur la dernière fugue (inachevée) de l'Art de la Fugue, se poursuivait par des œuvres de Schumann, Liszt, Rimski-Korsakov, avant d'aborder les rivages du XXe siècles avec Honegger, Roussel, Eisler, Webern, Françaix, et, en forme d'ouverture, le quatuor de Daniel Meier - composé, donc, très exactement deux siècles et demi après la quadruple fugue de Bach. Par la suite, le Quatuor Prima Vista a inscrit cette partition à son répertoire, la reprenant dans des programmations et festivals, tant en France qu'à l'étranger, notamment en 2000 au Festival International de Méditerranée de Carthagène (Espagne), aux Heures Musicales de Saint-Victor-sur-Loire, en 2002 au Festival Bach en Combrailles, en 2004 au festival Musiques Démesurées, en 2005 à Schrobenhausen (Allemagne), au Festival "Les Chemins de Musique" de Ligugé, et au Festival International de Musique en Catalogne, en 2008 aux Journées du Patrimoine de Sarlat (thème : "Patrimoine & création"), en 2009 aux Quatre Saisons de Chauriat, etc. Nous vous invitons à l'écouter dans l'enregistrement qu'en réalisa le Quatuor Prima Vista en 2001, sous la direction artistique du compositeur :
> Deuxième projet commun : le 6 mars 2001, dans le cadre d'une conférence intitulée "Musique et couleur : mythe et réalité" que prononça Baudime Jam, le Quatuor Prima Vista interpréta une deuxième création de Daniel Meier : "Spectre pour un arc-en-ciel".
> Enfin, à l'occasion de son 70e anniversaire, Daniel Meier avait fêté ses retrouvailles avec le Quatuor Prima Vista en composant à son intention un Stabat Mater pour quatuor et soprane. La création était prévue à Clermont-Ferrand le 11 juin 2004 dans le cadre du festival des Musiques Démesurées, en présence d'Henri Dutilleux. La soliste vocale ayant été dans l'incapacité de se produire se jour-là, la création a été annulée et, à ce jour, le Stabat Mater de Daniel Meier attend toujours qu'un programmateur s'y intéresse.
Daniel Meier et Baudime Jam en 2000.
(photo : Bernard Schafter)
- Un Entretien avec Daniel Meier
Le
16 décembre 1999, Baudime Jam accueillit Daniel Meier dans son magazine
musical hebdomadaire "Mélodia" diffusé sur RCF-63.
Durant une heure et quart, le compositeur évoqua sa carrière,
ses recherches, ses rencontres et ses projets, tout en exprimant son point
de vue sur certains aspects de la vie musicale contemporaine : en exclusivité sur
notre site, nous vous proposons de l'écouter.
Pour faciliter sa consultation, cet entretien vous est présenté en
plusieurs sections. La première partie contient des extraits d'œuvres
de Daniel Meier ; la deuxième partie contenait des extraits musicaux
qui sont supprimés ici pour des raisons de droits de diffusion.
Première partie
Deuxième partie
Dessin
réalisé par Christine Carboneill le 13 août 2005 à l'occasion
d'un concert donné par le Quatuor Prima Vista
au Festival International de Musique en Catalogne et au programme duquel
figurait, notamment, le Quatuor n°2 de Daniel Meier.