"Suppléments d'âme"

Le nouveau CD du Quatuor Prima Vista

Opus Millésimie GCK 20091
Distribué par Codaex

Comme chacune de leurs prestations, les enregistrements proposés par le quatuor à cordes clermontois Prima Vista réservent à l’auditeur ces instants privilégiés que seules les formations de haut niveau savent procurer. Lorsque l’inspiration des trois compositeurs choisis habite de surcroît la sensibilité des interprètes, l’osmose artistique ne peut que conduire à la saveur la plus émotionnelle induite par la découverte de l’exceptionnel.

Gréco Casadesus, dont on ne présente plus la famille d’artistes exemplaires, délaisse provisoirement l’écriture de musiques de films qui lui ont apporté la notoriété pour signer en 2008 ces Suppléments d'âme pour voix soprano, quatuor à cordes et contrebasse. Le compositeur fait ici étalage de toute sa science de mélodiste et de coloriste pour offrir à la soprano Lys Nordet une page de virtuosité dans laquelle transparait en filigrane permanent une émotion qui touche au sublime, au surréel voire à l’onirisme d’un poème symphonique tout intérieur. Tout au plus pourrait-on regretter que certains accents de la composition s’écartent du but recherché par les trois complices, cette remarque étant par ailleurs des plus subjectives, rien ne remplaçant l’audition et les suggestions individuelles.

Après l’étude du piano, Pierre-André Athané s’oriente très rapidement vers la composition de musiques pour le théâtre ou le cinéma avant de signer plus récemment des œuvres pour orchestre ou musique de chambre. Daté de 2007, son Quatuor n°1 se présente sous la forme d’un poème symphonique tout intérieur où la nostalgie induite par la fuite des jours ne saurait masquer une allégresse sous-jacente permanente reflétant la joie de vivre. Le Ballet des Ombres conclusif, lancinant jusqu’à l’envoûtement, se nourrit de mélodies aux nuances subtiles jusqu’à une cadence en point d’interrogation à même d’aiguiser l’imagination. Devant une si intense et émouvante inspiration, une suite à ce premier quatuor ne saurait être accueillie qu’avec enthousiasme.

C’est en mars 2008 que Baudime Jam présentait à la Salle Comedia de Clermont-Ferrand la création mondiale de l’une de ses dernières œuvres : Les Horizons Perdus, devant un public exigeant dont l’enthousiasme devait plébisciter une partition d’une maîtrise achevée, en étroite symbiose avec les cinq volets d’un poème élaboré par le compositeur lui-même. Délicatesse et romantisme exacerbé caractérisent des vers libres empreints d’une nostalgie contagieuse qui ne fait que rendre plus précieux l’élan d’espoir, véritable déclaration d’amour dont l’écho résonne près d’une Fontaine des Amants dont la source ne saurait tarir. On a affaire là à un assemblage prenant de timbres entremêlés, aux résonnances confondues avec la voix inimitable de Hermine Huguenel au sommet de son art, rendant avec passion l’intelligibilité et l’intériorité du texte.

Malgré la somme de difficultés techniques accumulées au cours de ces pages, le Quatuor Prima Vista donne une impression constante de facilité, notamment grâce à un excellent équilibre des différentes voix conduisant à un discours musical parfaitement lisible et élégant.

L’autre intérêt de cet enregistrement réside dans la volonté affirmée des compositeurs d’offrir avant tout de la musique en s’écartant délibérément de courants aussi factices qu’illusoires, ceux-là mêmes qui prônent et encouragent la disparition de l’esthétisme. Ce supplément d'âme, magnifique et indispensable, s’en trouve ainsi des plus réconfortants.

Gérard Sapet
"Le Renouveau", 28 août 2009